Aujourd’hui, c’est ce jour de l’année où je voudrais bien oublier, mais où tout le monde va me le rappeler. Que ces traînées blanches qui s’accumulent dans mes cheveux, ce n’est pas de la mousse à raser. Que mes grosses cernes ne sont pas dues à mon masque de plongée. Que ma propension à rester le cul dans mon canapé, ce n’est pas à cause d’une augmentation de la gravité. Non ma vieille, tout ça, ça s’appelle le poids des années. Alors « anniversaire » d’accord, mais pourquoi « joyeux » ? En vrai, j’avoue, je suis une petite fille pourrie gâtée alors j’aime bien quand même qu’on me souhaite mon anniversaire. Ça remplit mon petit cœur égocentrique de bubulles de joie, un peu comme un lit de mousse pétillante sur une grosse pinte de bière. Mais cette bière, qui est toute fraîche aujourd’hui, et qui fait envie, et bien le lendemain, quand tout le monde a oublié qu’on t’a rabâché toute la journée que t’as vieilli, elle est éventée, toutes les bulles sont parties, et t’as plus qu’à la vider dans l’évier. Moralité : fêtez-moi mon anniversaire tous les jours et payez-moi des bières, c’est pas compliqué.
Une amie organise justement aujourd’hui une sortie mi-culturelle mi-calorique à base d’expo et de café. La belle aubaine! Je vais voir des gens que j’apprécie sans avoir à les choisir, à envoyer des invitations, et à attendre leur réponse. Bonus, ces personnes ne savent pas que c’est mon anniversaire, ils ne dépenseront pas d’énergie inutile à essayer de me faire plaisir (ils réussissent déjà cet exploit en organisant quelque chose pour moi). En plus, je vais participer à mon activité préférée: manger.
L’expo est gratuite et néanmoins très complète. C’est sur Naoki Urasawa, un mangaka hyper connu dont je n’ai pourtant jamais lu les œuvres. Il a un talent fou, et il est très productif. Mais parlons de choses plus importantes. La bouffe. Un grand mystère règne autour du fameux café vers lequel nous nous dirigeons. Je ne connais pas encore cet endroit mais on me promet une belle surprise. On prend un escalator, puis deux, puis trois, puis quatre, et nous voilà au dernier étage. J’avance vers le café, et les faux plafonds à la lumière criarde de l’espace shopping laissent subitement place à une énorme coupole très haute, sublime, qui nous surplombe de multitudes de variations de couleurs et de lumières. Waouh ! Je ne peux pas m’empêcher de me vautrer dans le cliché du touriste en prenant des photos, et en allant admirer la vue sur les toits de Paris, au fond de la salle. On voit très bien Montmartre. Je m’installe à la table qui est équipée d’un miroir reflétant la magnifique coupole. La formule « tea time » avec boisson et dessert me semble parfaite pour étancher ma soif et ma gourmandise. J’hésite longuement (évidemment) à prendre le chocolat chaud mais j’opte pour les oranges pressées, plus fraîches, parce que j’ai chaud (la ménopause est proche). J’hésite encore plus longuement (évidemment) au sujet du dessert. La carte propose un Mont Blanc qu’il serait intéressant de comparer avec celui d’Angelina. Mais un autre dessert plus original attire mon attention : un dôme de pommes aux épices. Ça s’accordera définitivement mieux avec le jus de fruits, et le dôme est raccord avec le thème de la coupole. Mes TOCs sont sains et saufs.
La brasserie est calme et les clients peu nombreux. Nous sommes loin du tumulte des autres étages où l’on s’empresse de faire ses emplettes. Et puis, on est mardi, et tout le monde n’a pas la chance que nous autres saltimbanques avons, de pouvoir se reposer en semaine, de temps en temps. Les serveurs sont aux petits soins et la commande arrive vite. Le chocolat a l’air hyper dense et onctueux. Peut-être qu’il vient de chez Angelina car les thés qui sont proposés viennent de là. Les cakes du jour à la cerise et au chocolat sont servis en part généreuses. Ils ont l’air bien humides et gras. Le Mont Blanc a une forme originale allongée comme une bûche. Et mon dôme est superbe ! Je ne m’attendais pas du tout à ça. En fait il s’agit d’une pomme découpée d’un seul tenant et enroulée sur elle-même de telle sorte qu’elle garde sa forme initiale. Elle est cuite avec très certainement de la cannelle et d’autres épices. Cette pomme est posée sur un fond de tarte sablée aux amandes et autres noix. A côté, se trouvent une lichette de miel, et une quenelle de crème très dense et peu sucrée. Tout s’accorde très bien : la pomme et la crème donnent du moelleux à la tarte goûteuse mais un peu sèche. Et le miel vient relever le tout. L’ensemble a une saveur plus automnale que printanière mais la pluie étant de la partie, ce n’est pas très gênant. On bavarde en dégustant et en profitant du changement de lumière sous la coupole. Mes amis me souhaitent quand même mon anniversaire, Facebook veillant à ce que rien ne tombe dans l’oubli. Finalement, rien de tel qu’une bonne journée entre amis et calories pour qu’au moins quelques instants j’oublie que je vieillis.